Je me réveille un dimanche...

   Je me réveille un dimanche et ça sent la levure chaude, alors elle doit être en train de faire du pain. J’arrive dans la cuisine et elle est en pleurs alors elle doit être en train de couper des oignons pour une raison quelconque, peut-être pour faire des empanadas. Mais quand je m’approche, je vois qu’elle n’est pas en train de hacher des oignons. Je ne dis rien et par-dessus mon silence elle dit aujourd’hui Pinochet est mort. Je ne dis rien alors elle dit, savais-tu qu’il avait 91 ans? Je dis non, et je dis, tu dois être contente qu’il soit parti. Je prends un bout de pain chaud dans un panier et je mets du beurre dessus pour le regarder fondre. Elle se tient au-dessus de l’évier et dit : je voulais charcuter ses mains en morceaux et lui faire jouer de la guitare, puis le pendre par les pieds et cracher sur son nez. Je ne le verrai jamais mourir de ma vie. Et elle me regarde, elle est tellement grande et tellement proche.

La mort de Pinochet et deux générations dans une cuisine.

Référence bibliographique

Marcela Huerta, « Je me réveille un dimanche matin... », Tropico, Triptyque, p. 72. 

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